À 61 ans on peut dire que Claude a fait ses preuves. Directrice d’un laboratoire pionnier à la frontière entre la chimie et l’écologie, directrice de recherche d’une trentaine de thèses et de plus de quinze programmes, multi-lauréate de prix et médailles scientifiques, à l’origine de 42 brevets et plus de 160 publications, la lorraine occitane d’adoption n’a pourtant pas l’intention de raccrocher la blouse. Après tout comment le pourrait-elle quand on défriche encore comme elle le fait des terres inconnues et que l’on parvient jour après jour à incarner une chimie positive, inspirée par la nature, force de solutions pour les défis environnementaux les plus pressants ?
Quand on étudie le vivant, on est forcément très réceptif voire admiratif de ce que la vie et la nature sont capables de faire.
J’ai passé la plus grande partie de ma carrière dans des interfaces. La chimie du vivant, ma première passion, c’était déjà la rencontre de la chimie « classique » et de la biologie-santé. J’aime le concret, chercher des solutions à des problèmes tangibles. Et j’aime me trouver à la frontière de plusieurs disciplines pour créer des ponts. J’ai toujours eu un besoin d’utilité dans mon travail. Et quand on étudie le vivant, on est forcément très réceptif voire admiratif de ce que la vie et la nature sont capables de faire. Tout est là, il « suffit » de le découvrir.
En 2008, j’étais professeur à l’université Montpellier quand un groupe d’étudiants est venu solliciter mon aide pour leur sujet de concours. Leur problématique portait sur la capacité de certains végétaux à absorber des polluants pour les empêcher d’être déversés dans la Nature. Le sujet m’a fascinée, je me suis plongée dedans et les ai accompagnés pendant un an. Avec l’aide d’un chercheur-botaniste nous avons identifié une plante à 50km à peine du laboratoire de l’université qui semblait capable d’absorber des quantités incroyables de zinc en se développant dans les milieux pollués. Là encore nous étions à l’interface de plusieurs disciplines et il y avait un tout nouveau monde à explorer et à inventer. J’ai été rapidement convaincue que l’utilité de ces plantes ne s’arrêtait pas à la dépollution, mais que l’on pouvait également récolter ce qu’elles avaient emmagasiné pour le réutiliser dans des procédés chimiques. C’est en suivant cette idée un peu folle que j’ai quitté mon domaine de recherche pour rejoindre un laboratoire d’écologie et ensuite créer mon propre laboratoire de chimie bio-inspirée et d’innovations écologiques, ChimEco, un vrai pont entre la chimie et l’écologie.
Une économie verte est possible, il suffit de regarder autour de nous !
Plutôt qu’un changement, ça a été une vraie confirmation à grande échelle. J’ai toujours été convaincue que la chimie pouvait être une force positive. On a trop souvent tendance à la ranger du côté des problèmes. Je savais qu’elle était capable de résoudre et de réparer. C’est ce que je m’attache à prouver tous les jours. Ces plantes dépolluantes en sont le parfait exemple. Depuis cette première découverte, nous avons déposé 36 brevets CNRS et avons mené de nombreux projets de dépollution qui ont aujourd’hui des débouchés industriels importants. Le projet de la Klorane Botanical Fondation sur le site minier des Malines nous a permis de tester les pouvoirs incroyables de la Menthe Aquatique sur des effluents industriels pollués. Nous créons des procédés vertueux à partir de ce que la Nature fait déjà : la plante se charge de capter ces éléments métalliques que nous récupérons ensuite pour servir de catalyseurs à des réactions chimiques vertes. Plutôt que de continuer à extraire des ressources que nous savons de plus en plus en péril, nous avons là un moyen de réutiliser et de recycler, et de faire de la dépollution une ressource. C’est un signal fort pour l’avenir quand nous arrivons à créer des processus industriels vertueux inspirés par la Nature. Une économie verte est possible, il suffit de regarder autour de nous !
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